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Le Lundi des Mots (29 mars 2010 à Neuchâtel, au Discobole, rue des Moulins)
2e tiers d’un exposé (le 1er et le 3e relevant de Claude Krul, présidente, et Alfred de Zayas, ancien président).

 

PEN SUISSE ROMAND ET DENIS DE ROUGEMONT
PAR JACQUES HERMAN

 

Mesdames et Messieurs,

Il fut un temps, tout particulièrement au milieu du 20e siècle, qui s’est montré spécialement propice à la fondation d’associations littéraires, avec leurs statuts, leurs usages, leurs règlements. Le besoin de se rencontrer, d’échanger des idées, des points de vue, des concepts, s’ajoutait au besoin de se rassurer soi-même autour d’un axe commun. A cette époque, il n’existait guère d’autres moyens de satisfaire de tels besoins qu’à travers les mailles du tissu associatif. Au-delà de l’association locale, cantonale ou régionale, on atteignait très rapidement les zones plus vastes d’une nation et, au-delà, de la planète elle-même. Les associations internationales sont issues de ce profil-là.  La langue ne constitue plus un obstacle. Ce qui importe, c’est la rencontre autour d’objectifs communs.

Il est frappant de constater que le 20e siècle s’est montré tout particulièrement friand de vie associative, et le développement des services-clubs par exemple en témoigne : Rotary, Lions, Kiwanis, etc. Dans le domaine littéraire, un axe commun s’est très rapidement dessiné dans la lutte pour la liberté d’expression. C’est autour de ce concept que PEN International a vu le jour.

Même si pour l’historien cela ne relève pas de l’évidence, Jacques-Édouard Chable appartenait sans doute  à cette catégorie d’écrivains soucieux du respect de la liberté d’expression. Ce concept est d’origine occidentale, à l’image de l’ensemble de ce que nous appelons les « Droits de l’Homme » issus comme vous le savez,  de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen promulguée le 26 août 1789, sous la direction de Mirabeau, sur une base textuelle de Jérôme Champion de Cicé (et non comme on le dit souvent  erronément du marquis de La Fayette !).

L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme promulguée par l’ONU en 1948,  constitue le fondement de PEN International :
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
Dans le texte fondateur de 1789, cet article 19 correspond à l’article 11, je cite :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Chable, Simond, et 38 autres écrivains de Suisse romande ont-ils pris la décision de créer le Centre suisse romand de PEN en 1949 dans la perspective de se battre pour la défense et l’illustration de ce droit ou plutôt, comme l’entendait la fondatrice Catherine Anne Dawson Scott, en 1921 à Londres,  voulaient-ils d’abord créer un club d’écrivains où les membres seraient partout bien accueillis ?
Cette seconde hypothèse nous paraîtrait de loin la plus plausible. En effet, nous ne trouvons rien dans leur œuvre qui tendrait à étayer la première hypothèse. N’oublions pas non plus que  l’expression-même de « PEN Club », encore largement en usage dans beaucoup de pays, en France notamment, met effectivement l’accent sur l’aspect associatif du mouvement.

Aujourd’hui, le monde a changé. Le tissu associatif « physique » qui sous-entend la rencontre de personnes en un lieu déterminé, sur convocation et impliquant des échanges épistolaires ont largement cédé la place à d’autres formes relationnelles, fondées sur les moyens techniques récents qu’offre l’informatique par le truchement d’internet.
On peut légitimement s’interroger sur le regard que nos fondateurs porteraient maintenant sur le fonctionnement des liens qui relèvent de l’univers virtuel que nous connaissons tous. Mais ceci est une autre question.

 

 

CHABLE ET SIMONET : NOS VRAIS FONDATEURS

 

Les légendes ont la peau dure.

Il a suffi de répandre celle de la fondation du Centre suisse romand de PEN par Denis de Rougemont pour qu’on finisse par se faire à cette idée. Or, Denis de Rougemont, s’il en a bien été membre et même président dans les années 70, n’est pour rien dans sa fondation.

A l’origine de celle-ci, nous trouvons deux personnages dont les profils, littéraire et psychologique, sont très ressemblants: Chable et Simond.

 

1. CHABLE

Neuchâtelois d'origine, Jacques-Édouard Chable naît le 7 mai 1903. Longtemps journaliste à «La Suisse libérale», il devient également directeur du Service de presse suisse.

Jacques-Édouard Chable aborde l'écriture dans des genres comme le roman policier ou des récits de voyages.

Il vit tout d'abord à Pully puis décède à Aigle en 1965.

En janvier 1928, il écrit un article un brin emphatique intitulé «Le coeur du Rotary» dans «The Rotarian», revue du Rotary International, qui présente le grand intérêt de résumer, en quelques pages, son engagement et ses convictions, bien au-delà du fameux «service-club».

Chable était un écrivain très conventionnel, très «vieille France», conservateur de type libéral quant aux idées, un peu affecté, parfois emphatique, quant à l’expression écrite très «passe-partout» et peu dérangeante. Tout, dirions-nous, sauf un révolutionnaire ou un anarchiste!

Il appartenait à cette catégories d’hommes qui, dans la première moitié du 20e siècle surtout, affectionnaient la vie associative entre gens d’un même milieu, bourgeois bien entendu, mais  qui se voulaient aussi ouverte au «monde nouveau», aux relations internationales entre autres, et qui partageaient la conviction que la chose écrite était l’unique vrai et authentique vecteur du monde des idées. La télévision n’existait pas, a fortiori le «web» et la véritable révolution culturelle qu’internet a suscitée. Quant à la radio, elle faisait plutôt figure, à cette époque, de moyen de divertissement.

En 1949, ce monsieur très distingué, étrangement considéré de son vivant sur un pied d’égalité avec Ramuz, Landry, de Pourtalès, et d’autres «grands noms» de la littérature romande, très mondain mais aussi désireux de nouer des contacts internationaux, demande au centre londonien du PEN Club, l’autorisation de fonder un «Centre suisse romand» de PEN. Il donne une liste de  «membres possibles»  et obtient l’autorisation du centre international au cours du congrès international à Venise de 1949. Il devient le premier président du Centre suisse romand de PEN.

Dans un ouvrage consacré aux écrivains romands contemporains, d’Édouard Martinet, publié à la Baconnière en 1954,  on trouve une brève référence à PEN dans les pages consacrées à Chable:

"Il sait très bien faire sa part à l'homme positif, sportif, pratique, voire organisateur qu'il a en lui (nous lui devons la création du PEN Club romand), et sa part à l'être imaginatif, rêveur, qui accomplit son œuvre avec amour et conviction, avec un talent méthodique qui semble ne lui demander aucune peine" (p. 147).

Citons pour mémoire quelques titres de notre premier président:

Un écrivain parmi les hommes, Le Domaine des Obrets, Le secret du Dr Baratier, La rose des vents, Trèfle à quatre, Avec Agnès à travers les vignes, Jazz, Boomerang et Kimonos,...

 

  1. SIMOND
  2.  

Nous connaissons assez bien un autre membre du premier comité du Centre suisse romand de PEN, il s’agit de Daniel Simond.

Daniel Simond, licencié ès Lettres de l'Université de Lausanne (licence en 1927), et qui fut l'un des 40 membres fondateurs de l'Association des Écrivains Vaudois (devenue Association Vaudoise des Écrivains que j'ai l'honneur (?) de présider, est aussi mentionné dans une étude très substantielle à son sujet comme (je cite) membre fondateur en 1944 du "Centre Suisse Romand des PEN Clubs" (sic)!

De 1929 à 1930 il a suivi des compléments de formation à la Sorbonne et au Collège de France.
De 1930 à 1944 il était professeur au Collège classique de Lausanne.
Il était professeur aux gymnases cantonaux de 1944 à 1967 et lui aussi, comme Chable, un grand voyageur (notamment en Grèce, en Italie et en Afrique).

Simond, très amateur de vie associative, comme Chable encore une fois, co-fondateur du PEN de Suisse romande  est aussi le co-fondateur avec  E. Jaloux, G. Roud, E.-H. Crisinel, e.al. de la Société de poésie et, avec Paul Budry et Edmond Gilliard, de l'Association des Écrivains Vaudois (1944).

Il était aussi directeur des éditions  des Terreaux à Lausanne, directeur de la revue littéraire Suisse Romande qui fusionne en 1939 avec Formes et Couleurs.

En 1950, il a constitué la fondation Ramuz qu'il a présidée jusqu'à sa mort.
De 1971 à 1973, il était à la tête du Fonds des archives culturelles de Morges.

Né à Lausanne en 1904, Daniel Simond  est mort en Sicile en 1973.

 

Ces deux personnalités, très proches à beaucoup d’égards, peuvent être considérées comme les véritables fondateurs du Centre suisse romand de PEN, dans lequel entrera, bien plus tard, un certain Denis de Rougemont...

 

Jacques Herman

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