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Pro rege saepe; pro patria semper (Colbert)
 
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ART CLUB GENEVE

CONFERENCE SUR RAINER MARIA RILKE

6 AVRIL 2004

Loin, si loin de sa Heimat bohémienne

Rainer Maria Rilke

est décédé d'une leucémie à la clinique de Valmont sur Territet, le 29 décembre 1926. Il ne savait ce qu'il souffrait, et il ne voulait pas le savoir. Il avait à peine 51 ans.

Après la première guerre mondiale, Rilke avait choisi la Suisse comme sa nouvelle patrie. Il a séjourné 1919 à Locarno, Basel, Sils-Baselia, Soglio dans la belle vallée de Bergell en Engadine, à Zurich, à Genève, Nyon, Lausanne, mais c'est en Valais qu'il a trouvé la paix pour achever les derniers 5 des 10 Elégies qu'il avait commencé 10 ans auparavant au Château de Duino près de Trieste, sur la mer Adriatique.

C'est au tout petit Château de Muzot, quelques kilomètres au nord de la ville de Sierre, en montant dans la direction de Crans Montana, un endroit bien ensoleillé entouré de vignobles, qu'il a trouvé la tranquillité pour traduire son amie Paul Valéry, et pour composer de la poésie en français.

Oui, Rilke était polyglotte. Il écrivait et parlait sa langue maternelle, l'allemand, mais aussi le tchèque, le russe, l'italien, l'espagnol.

Si loin de sa Heimat Prague, Rilke a été enterré dans le cimetière de l'église de Rarogne, sa tombe regardant un magnifique panorama valaisan

son épitaphe

Rose, o reiner Widerspruch, Lust niemandes Schlaf zu sein unter so viel Lidern.

Au moins trente traductions en anglais existent, y compris la mienne, que vous trouvez dans la préface de ma traduction du cycle «  Larenopfer  »

j'ose le traduire en français, comme suit :

Rose, ô pure contradiction, volupté et point de sommeil, sous tant de paupières

Mais comme vous le savez tous, une telle traduction n'arrive jamais à ouvrir toutes les fenêtres et laisser s'envoler toutes les idées que Rilke a voulu suggérer avec sa fameuse épitaphe.

Mais aujourd'hui je ne veux pas vous parler sur le Rilke du Valais, qui n'est plus le Rilke de Paris, où il était secrétaire d'Auguste Rodin, ou il a composé ses fameux Neue Gedichte , les Dinggedichte, et non plus sur le Rilke de Duino.

Je vais vous parler sur le jeune homme René -- il a été baptisé René, est c'est seulement lorsqu'il avait 21 ans qu'il a adopté le nom Rainer.

Je vais vous parler d'un jeune homme de la bourgeoisie autrichienne à Prague, qui lisait et parlait aussi la langue de ses concitoyens tchèques et connaissait les grands de l'histoire et de la littérature tchèque tels que le réformateur Jan Hus, les poètes Kajetán Tyl, et Jaroslav Vrlichky, etc.

Rilkes deuxième recueil de poésie à été publié à Prague peut avant Noël 1995, lorsque Rilke avait à peine 20 ans. Il avait déjà publié un autre recueil sous le titre «  Leben und Lieder  », lequel Rilke ultérieurement à voulu faire disparaître, comme beaucoup d'autres écrivains, qui ont voulu détruire leurs travaux initiaux en le considérant trop trivial.

Aussi les compositeurs ont fait cela – comme Chopin, qui nous a privé d'un coup d'śil dans sa production précoce.

Le titre «  Larenopfer  » nos dit quelque chose, il s'agit d'un livre dédié à sa Heimat , à sa patrie de Bohème. C'est justement aux divinités qui protègent le foyer que Rilke dédié son recueil. Lares veut dire pas seulement le foyer, mais aussi l'identité.

Ici nous reconnaissons un jeune homme, fier de sa ville natale, de la ville dorée de Prague, le Rilke des randonnées dans la campagne de Bohème. C'est le jeune homme amoureux de la belle Valérie von David-Rhonfeld qui a écrit de charmants poèmes sur les fontaines de Prague, tells que

Abends bei dem Röhrenkasten

sammelte sich Paar um Paar,

weil der Quelle lieblich Glasten

und ihr Laut der tiefgefassten

Neigung süßes Omen war.

„Young lovers used to come at night

to listen to the splashing sound.

By pairs they gathered in their rite

and heard their longings echo in delight,

good omen for their vows profound.”

La musique de l'eau coulante devient en hiver la musique du vent soufflant entre les branches.

« Der Wasserfall ist eingefroren

die Dohlen hocken hart am Teich.

Mein schönes Lieb hat rote Ohren

und sinnt auf einen Schelmenstreich.

Die Sonne küsst uns. Tramverloren

schwimmt im Geäst ein Klang in Moll:

und wir gehen fürder, alle Poren

vom Kraftarom des Morgens voll.

The waterfall has frozen tears,

the jackdaws squat upon the pond.

My sweetheart has read ears

and ponders over escapades beyond.

The sun has kissed us. Lost in dreams

a minor chord floats through the trees.

We're full of vigour, full of schemes,

alive in winter morning melodies.

Ici l'amour jeune en hiver, lorsque les cascades gèlent.

Partout se manifeste l'amour jeune, même en lieu sacré, sous les arcades du monastère baroque de Loretto :

Spannt über Blättergold Spätsommerhaar

sich draußen auch im Klosterhof Lorettos, -

vor einem Bild im Stille Tintorettos

steht selig still ein junges Liebespaar.

In the open freely flies late summer hair

o'er gold leaf in the courtyard of Loretto,

as before a painting styled like Tintoretto

muse young lovers in the stillness of the air.”

Les Offrandes à Lares comme j'ai déjà dit, c'est un livre sur l'identité de Rilke, et aussi un livre sur l'amour de la patrie.

90 poèmes dont la plupart se penchent sur l'architecture de la ville de Prague, sa cathédrale, ses églises, ses palais, ses parcs, ses ponts, le grand fleuve Vltava, ce que les Allemands appelle Die Moldau.

Pourtant, l'atmosphère culturelle de Prague n'était pas celle de Vienne, Berlin ou Paris.

Un ans après la publication des «  Larenopfer  » Rilke quitte Prague -- pour aller à la découverte du monde. Il voyage en Russie, en compagnie de l'amie de Friedrich Nietzsche, Lou-Andreas Salomé. Ils visitent Leo Tolstoy et plusieurs autres écrivains russes ; ensuite il voyage en Allemagne, ou il s'installe dans la communauté artistique de Worpswede, près de Brème, où il fait la connaissance de sa femme, Clara Westhoff-Rilke, la mère de son seule enfant, leur fille Ruth Rilke. 1902 il s'installe à Paris, où il reste des années, où il est engagé comme secrétaire personnel par le grand sculpteur Auguste Rodin. Il séjourne pour de longues périodes en Italie, en Espagne, où il visite Toledo, Cordoba, Ronda. Il devient un vraie cosmopolite, un citoyen du monde.

Et comme s'il l'avait pressenti, le Larenopfer est aussi un livre de nostalgie.

Tout à fait simple et à la fois d'une belle tendresse c'est son poème Volksweise

Mich rührt so sehr

böhmischen Volkes Weise,

schleicht sie ins Herz sich leise,

macht sie es schwer.

Wenn ein Kind sacht

singt beim Kartoffeljäten

klingt dir sein Lied im späten

Traum noch der Nacht

Magst du auch sein

weit über Land gefahren,

fällt es dir doch nach Jahren

stets wieder ein.

Folk Melodies

Bohemian folk tunes move me

deeply as into the heart they steal

and make it heavy, then I feel

a wistful yearning over me.

When in potato fields a child

while weeding gently sings,

that melody in late dreams rings

within you true and mild.

And if you travel far

to distant lands, the tune so dear

comes back to you year after year,

recalling who you are.

Notre membre du Centre PEN de la Suisse romande, Philippe Jaccottet, à écrit une belle préface pour une édition de poche des poèmes français de Rilke, parue chez Gallimard.

Ils nous rappellent la question qui traversait Rilke en janvier 1912 à Duino et sur laquelle s'ouvre la Première des 10 Elégies,

Qui, si je criais, m'entendrait donc, parmi les cohortes des anges …

Voila une question où s'exprime l'angoisse de la rupture entre ciel et terre, du chant sans écho, de la plainte errante, du cri perdu.

A la fin de sa vie, Rilke revient sur cette question à plusieurs reprises, entre autres dans un poème tiré des Quatrains Valaisans.

Chemins qui ne mènent nulle part

entre deux prés,

que l'on dirait avec art

de leur but détournés,

chemins qui souvent n'ont

devant eux rien d'autre en face

que le pur espace

et la saison.

Voilà la patrie valaisanne qui l'a accueilli si bien à Sierre. Voici le pays arrêté à mi-chemin entre la terre et les cieux.

Avec ses poèmes français Rilke voulais exprimer le témoignage d'une reconnaissance plus que privée pour tout ce qu'il avait reçu du pays et des gens.

Les Larenopfer sont Rilkes témoignage d'une reconnaissance pour tout ce qu'il avait reçu de sa ville natale. Il n'a pas manqué d'exprimer aussi son admiration pour le premier Président de la Tschècho-slovaquie, Thomas Masaryk, que Rilke considéré comme un homme «  von universaler geistiger Bedeutung  » d'une importance spirituelle universelle.

Je ne propose aucune conclusion ce soir. Je voulais seulement partager avec vous mon enthousiasme pour ce grand poète européen. Il y a toujours beaucoup à découvrir chez Rilke. J'ai eu le privilège de commencer à le découvrir et suis plein d ‘envie pour ceux qui n'ont pas encore découvert ce trésor.

Merci.

Copyright ©2004 Alfred De Zayas. All contents are copyrighted and may not be used without the author's permission. This page was created by Nick Ionascu.