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Home / Books / Lectures - Speech: „ARARAT“ – Le film d'Atom Egoyan


 

 

„ARARAT“ – Le film d'Atom Egoyan

LYON le 8 NOVEMBRE 2002, La maison des Lumières

Le film d'Atom Egoyan « Ararat » est fort, et fort intelligent sur plusieurs niveaux, du point de vue du contenu, de son message de droits de l'homme, d'identité, de compassion, et bien sûr dans son aspect artistique. Il m'a bouleversé. Je le verrai de nouveau.

Avant d'aborder la question de l'occultation du génocide Arménien par la politique et parfois par les intellectuels, il faut clarifier quelques notions sur le droit international, lequel évolue tout le temps.

Il y a ce qu'on appelle jus cogens qui est absolue, comme la prohibition du génocide et la prohibition de la torture. Il y a le soi-disant droit dur ou droit de traités, de la jurisprudence des tribunaux internationaux tels que la Cour Internationale de Justice et la Cour Européenne des Droits de l'Homme, et des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies

– ce qu'on appelle hard law.

Il'y a de déclarations et résolutions des organes de Nations Unies et du Conseil de l'Europe, qui expriment un consensus international qui n'est pas encore contraignant, et qui constituent un droit en train de surgir – de lege ferenda – alors donc, du droit mou, ou soft law .

L'article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice à La Haye définit les sources du droit international comme suit :

les conventions internationales

la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, accepté comme étant de droit

les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées

les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différents nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit

Entre les principes généraux de droit se trouve l'égalité des Etats souverains

Voilà le droit international, qui nécessairement s'applique per definitionem à tous les Etats du monde.

Une autre chose tout à fait différente est la mise en œuvre du droit international. Cette mise en œuvre dépend de la réalité politique, c.à. d. du pouvoir et de la volonté des politiciens qui ont le pouvoir.

Les traités doivent être respectés – pacta sunt servanda. Egalement, l es jugements de la Cour Internationale de Justice et de la Cour Européenne de droits de l'homme doivent être exécutés.. Les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, comme par exemple concernant le désarmement de l'Iraq, concernant l'occupation du Nord du Chypre par la Turquie, et bien sûr aussi concernant la Palestine et les territoires occupés par Israël sont contraignant. Pourtant, ils sont souvent ignorés avec impunité.

La violation des obligations internationales ne signifie pas que le droit internationale n'existe pas, comme la violation du code pénal ne signifie pas que le droit pénal n'existe plus.

Mais tout cela révèle un problème d'exécution, même une crise de mise en œuvre.

Il y a toujours eu l'arrogance du pouvoir, et des Etats qui ne veulent pas se conformer au droit internationale ou aux jugements de tribunaux internationaux. Très souvent ils peuvent continuer leurs violations en toute impunité. Prenons, par exemple, la Cour Internationale Pénale. Les Etats Unis ont signé le Statut de Rom en 1998, mais ils prétend qu'aucun citoyen américain pourra être livrée à la Cour. Au même temps, ils préparent une poursuite pénale contre Saddam Hussein et les membres de son gouvernement. Une situation aberrante. Et voilà l'arrogance du pouvoir.

Pour la mise en œuvre du droit international, la Charte des Nations Unies permet de sanctions économiques et militaires. Parfois on a eu du succès, comme dans le cadre de Rhodésie/Zimbabwe et de l'Afrique du Sud. Mais pour achever de tels succès, il faut l'accord de cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, et la solidarité internationale.

L'Occultation du génocide contres les Arméniens

En principe tout le monde sait qu ‘il y a eu un génocide contre les Arméniens, pas seulement des émeutes et des massacres. Pourtant la Turquie reste un pays stratégique du point de vue géopolitique, et les Etats membres de l'OTAN ne veulent pas être rappelés au génocide en Arménie 1915. On veut tourner la page – sans deuil et sans restitution.

Le silence ne se limite pas aux hommes et femmes politiques. Chez les intellectuels on constate aussi un silence préoccupant, qui se laisse comprendre parce que le thème est perçu comme politiquement incorrect. Il y a beaucoup d'autres thèmes que les intellectuels évitent, comme par exemple le génocide partiel perpétré par les Européens contre les peuples autochtones de l ‘Amérique du Nord et du Sud, contre les aborigènes de l ‘Australie, et le génocide total contre les aborigènes de Tasmanie. On est conscient du crime contre l'humanité qui pendant de siècles était la traite d'esclaves et l'esclavage. Mais on évite d'aborder les possibles conséquences pour l'Amérique d'aujourd'hui. One ne parle pas de l'expulsion de 15 millions d'Allemands de leurs foyers de la Prusse Orientale, de la Poméranie, de la Silésie après la Seconde Guerre Mondiale, régions qui avaient été cultivés par leurs aïeux pendant sept siècles, un processus qui a coûté la vie à plus de 2 millions de civils. On ne parle pas sur les dizaines de milliers de morts, victimes des bombardements de Bagdad pendant la première guerre contre Saddam Hussein en 1991. Peu de gens ont écrit sur cette massacre, notamment l'ancien ministre de la justice aux Etats Unis pendant Kennedy et Lyndon Johnson, Attorney General Ramsey Clark, qui a publié un livre remarquable contre la politique de George Bush, père.. Et aujourd'hui, les intellectuels ne parlent pas sur les 3,000 personnes arrêtées et détenues par les Etats Unis en raison de la soi-disant « guerre contre le terrorisme ». Et on se tait sur l'invasion Turque du Nord de Chypre en 1974 et sur l'expulsion de quelque 200.000 Chypriotes de langue grecque, qui ont du fuir au Sud du Chypre et qui n'ont pas pus rentres dans leurs foyers au Nord de l'île.

Revenons sur le génocide contre les Arméniens. Quelle loi s'applique ?

Le droit international est clair : Le génocide est un crime pour lequel il n'y a pas de prescription. Il faut préciser deux aspects : sur le plan pénal, les responsables portent une responsabilité pénale personnelle. Si les auteurs du crime vivaient aujourd'hui, ils seraient poursuivis en justice et punis. Et sur le plan de la responsabilité de l ‘Etat Turque, c'est la Turquie d'aujourd'hui qui est responsable pour les crimes de l'Etat Ottoman, et la Turquie a une obligation en droit international de restituer les biens volés tels que les terres, les églises et monastères, et d'endommager les descendants des victimes.

Voilà un thème qui devrait être débattu au Conseil de l'Europe, puisque la Turquie a ratifié la Convention Européenne des droits de l'homme. Et bien sûr on ne peut pas imaginer que la Turquie puisse entrer dans l'Union Européenne tant qu'elle n'a pas reconnu le génocide et fait des réparations.

La Convention pour la Prévention et la Punition du Crime de Génocide a été adopté 33 ans après le génocide contre les Arméniens. Pourtant elle s'applique rétroactivement.

En tant qu ‘Etat partie à cette Convention, l'Arménie d'aujourd'hui pourrait, en vertu de l'article IX de la Convention, demander à la Court International de Justice de statuer sur le génocide du 1915. Un tel avis consultatif pourrait établir la responsabilité de l'Etat Turque d'aujourd'hui pour les crimes de l'Etat Ottoman de 1915 et aussi affirmer l'obligation de payer une réparation aux descendants des victimes. Maintenant est le moment propice pour une telle démarche. Pas après que la Turquie soit déjà accepté au sein de l ‘Union Européenne. Dans ce contexte il faut rappeler les propos des Anglais et des Français pendant la Conférence de Paix de Paris 1919-20, en l'occurrence l'article 230 du Traité de Sèvres qui a été signé par le Sultan Mohammed V mais aussitôt ignoré par Kemal Atatürk.

Il faut invoquer les droits humains lorsqu ‘il s'agit de la dignité et l'égalité humaine, y compris la dignité et légalité des victimes. Même si la Turquie n'est pas un Etat partie au Pacte des Nations Unies sur les Droits Civils et Politiques, elle est un Etat partie à la Convention Européenne, qui aussi protège l'égalité et la dignité humaine.

Et lorsque quelqu'un s'engage en négationisme du génocide contres les Arméniens, il faut tester d'abord, si les lois nationales sur le négationisme s'appliquent. Vu l'égalité de la dignité humaine des victimes, il serait inacceptable de proscrire seulement le négationisme du Holocaust et de permettre le négationisme du génocide Arménien.

Il y a bien sûr un négationisme d'Etat, comme récemment lors du refus britannique de reconnaître le génocide contre les Arméniens par l'Armée Ottomane. Cela nous rappelle le refus du Gouvernement britannique de reconnaître ce que tout le monde savait depuis 1943 – que Stalin avait perpétré le meurtre de 15,000 prisonniers de guère polonais. Tout le monde savait depuis la découverte de plus de 4,000 victimes exhumées à Katyn près de Smolensk en avril 1943 qu'il s'agissait d'un crime soviétique. Pourtant on a du attendre la Perestroika et la confession de Gorbachev auprès de Jaruzelski en 1990, pour que le Gouvernement britannique reconnaìse enfin le crime.

En conclusion, et en revenant sur le thème de l'occultation du génocide contre les Arméniens par les politiciens et par les intellectuels. Lorsqu ‘il y a occultation, c'est (a) parce qu ‘il y a une raison politique – e..g. l'importance stratégique de la Turquie, et (b) parce qu ‘il y a une très mauvaise conscience, pas seulement de la part des responsables, mais de la part des gouvernements et des intellectuells qui se sont rendu coupables du crime de silence.

Permettez moi de condamner la récente décision du Conseil de l ‘Europe de réduire la « journée de la mémoire » à la seule expression du génocide contre les juifs et tziganes. Il faut condamner tous les génocides au nom de la justice et de l'égalité des victimes. Etablir une catégorie privilégiée de victimes constitue en soi une violation du principe de l'égalité de toutes et de tous, qui se base sur la dignité humaine qui nous est commune. Il constitue un regrettable dérapage. Faisons donc en sorte pour que le principe de l'égalité de toutes les victimes des génocides et des massacres soit reconnu et respecté universellement.

Permettez moi encore une suggestion. Vu que le film « Ararat » est un film sur les droits de l'homme et sur la dignité humaine, je propose que ce film soit montré à Nations Unies pendant la prochaine Commission des Droits de l'Homme à Genève qui se tiendra en mars/avril 2003. Il y a quelques années, l'Ambassadeur des Etats Unis a invité la communauté de Nations Unies à une projection du film « Holocaust » à la Salle XVII au Palais des Nations. Moi je suis allé à cette projection. Basé sur ce précédent, il serait entièrement possible pour les Ambassadeurs du Canada, de la France et de l'Arménie de proposer une projection du film « Ararat » pendant la Commission, et convier à un débat sur tous les génocides du 20. siècle, y compris le génocide contre les juifs et tziganes, le génocide en Ruanda , « l'épuration ethnique » en Yugoslavie, et le génocide contre les Arméniens.

Merci de votre attention.

 

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